Éditorial — L’art de freiner la transition énergétique
La transition de la mobilité professionnelle ne se joue pas sur les plateaux télé, ni dans les communications politiques. Elle se joue dans des décisions très concrètes : signer un leasing ou prolonger, investir dans des bornes ou attendre, basculer vers le tout à l’électrique ou sécuriser une solution “tampon”. Et sur ce terrain-là, la Belgique envoie un message qui devient franchement problématique : on reporte, on annule, on assouplit… et on laisse le marché se débrouiller avec l’incertitude.
Le report du budget mobilité, l’abandon du durcissement des LEZ à Anvers et Gand, le flou persistant autour des mesures fiscales visant les PHEV pour les indépendants, l’absence d’aides et de règles pour pousser les entreprises à passer à une flotte de LCV électriques et surtout incertitudes concernant la fin de l’exemption des taxes automobiles en Flandre : pris séparément, chaque dossier peut s’expliquer. Pris ensemble, ils dessinent un paysage où la règle devient provisoire, où le calendrier est réversible, et où la stratégie fleet se transforme en exercice de prudence… donc de ralentissement.
Le fleet n’a pas besoin de slogans. Il a besoin de trois choses :
D’abord, de la continuité. Une trajectoire annoncée doit tenir, sinon elle ne sert à rien.
Ensuite, de la cohérence interrégionale, ou à défaut, d’un minimum de lisibilité pour les entreprises multi-sites.
Enfin, d’un vrai plan pour les véhicules de travail et les indépendants, pas seulement pour les segments déjà “faciles” à électrifier.
Reporter, annuler, assouplir : ce sont des verbes politiques. Mais sur le terrain, ce sont surtout des synonymes de « ralentir ».
À force de repousser les jalons, la Belgique prend un risque : transformer une transition qui devrait être organisée en une transition subie, fragmentée et plus coûteuse. Et dans un contexte où les entreprises doivent déjà absorber l’inflation, la pression salariale et la volatilité énergétique, ajouter de l’instabilité réglementaire est tout sauf anodin.
Le moment n’est pas à l’hésitation permanente. Le moment est à la clarté : des règles stables, des échéances crédibles, et un cap qui respecte la réalité de la mobilité professionnelle.
Le fleet est un levier majeur de décarbonation, parce qu’il renouvelle vite et parce qu’il structure le marché de l’occasion. Mais ce levier ne fonctionne que si l’État joue sa part : de la constance, de la clarté, et une attention sérieuse aux véhicules professionnels, pas uniquement aux voitures particulières.